Auberge du vieux chêne

Alors qu'Extasy ruminait intérieurement dans le vacarme habituel des discussions en tout genre qui régnait dans la pièce centrale de l'auberge, une partie de phrase la fit sortir brutalement de ses pensées contrariées.

" Humaine? Ah, plutôt mourir! "

Une voix de femme qu'elle considérait comme hautaine venait en rajouter à son humeur qui se dégradait progressivement. C'en était trop. Personne ne pouvait l'insulter gratuitement sans qu'elle ne se manifeste; d'autant plus qu'elle détestait le racisme. Chasseresse ne ferait pas exception à la règle.
Extasy se pencha sur le comptoir afin de voir la femme en question. Elle était sur la droite de Fendril (si mes déductions sont bonnes). Vipéria se leva prestement en décrochant son manche. Elle se décala en veillant à rester derrière son Mentor, mais de manière à ce qu'elle puisse voir Chasseresse en entier et inversement. Son manche était incliné vers le sol. Elle regarda la femme Louve-Blanche avec défiance et lui lança, arrogante.

J'peux t'exaucer.

Sa phrase faisait référence au "Ah, plutôt mourir!". Mais comme Extasy intervenait après que Chasseresse ait terminé de parler, si cette dernière n'avait pas prêté grande attention et importance à sa formulation, elle n'était pas forcément sensée savoir à quoi cette jeune fille en rouge faisait allusion.

Chasseresse dévisagea Extasy en la regardant de bas en haut. Elle avait compris la menace, quoique ne sachant pas très bien pourquoi. De toute façon, elle savait que la lutte entre les loups et les hommes était éternelle, elle n'avait pas besoin d'une autre raison pour comprendre ce qui se passait.

"Qu'est-ce que tu me veux?" grogna-t-elle. Elle se leva de son tabouret et se dressa de toute sa petite taille. Son oeil lança un éclair de dédain vers l'Humaine insolente.

Extasy rendit son regard à Chasseresse, avant de lui répondre, sans être agressive mais d'une manière qui laissait paraître sa contrariété.

Des excuses.

Son manche était toujours incliné vers le sol. Elle le tenait plus par mesure de précaution que dans l'intention de s'en servir. Elle voulait uniquement des excuses pour avoir était méprisée sur la base de l'appartenance à sa race d'humaine, et comptait bien tout faire pour les obtenir ou que la créature regrette ses paroles.

"Rholala... encore des pièces d'or ? Bon tant pis. Je te laisse dormir cette nuit avec un repas et tout le confort qu'une dame mérite. Mais si vous voulez rester longtemps, il faudra trouver de l'argent, du vrais."

Puis le barman fourra la piecette dans sa bourse, et retourna à son office. Du moins pour quelques minutes : A peine avait il baissé les yeux, que deux clients -ou plutôt deux clientes- étaient déjà en train de se monter l'une contre l'autre. Il en avait vraiment marre de ces bagarres.

"Si vous voulez vous battre, je vous le dis tout de suite, ce sera dehors !!"

L'auberge était déjà dans un sale état, on pouvait voir des traces de lame, de balle et même des brulures sur presque tous les murs, le sol et le plafond. De nombreux endroits avaient du être refaits, sans doute une grande partie des bénéfices partaient en fumée à cause de ces batailles.

"Que ce soit bien clair, je ne bougerai pas d'ici!" répondit Chasseresse à la fois à Extasy et au barman. "Vous, vous aurez votre argent et toi, je vois pas pourquoi je te ferais des excuses, surtout que je sais même pas de quoi tu parles!"

Elle se rassit à son tabouret, désirant obtenir une réponse de Sores et montrer son mépris de l'insolente. Elle posa sa tête sur ses mains et ferma les yeux.

Fendril s'était retrouvé entre Extasy et Chasseresse. Cela faisait 5 minutes qu'Extasy n'avait pas causé de problèmes, et apparemment elle ne put se retenir plus longtemps. La moindre parole déplacée se transformait en attaque personnelle pour Extasy. Fendril, las de ces jérémiades et de ses chamailleries prit sa tête entre ses mains. La situation allait de bon train vers une nouvelle bataille, c'en était trop.
Attrapant sa hallebarde, il mit le manche, entre Chasseresse et Extasy, au niveau de leurs cous.

" Cette phrase n'était pas sérieuse, Extasy, ton honneur n'est pas en jeu. La nuit a été longue pour tout le monde. "

Il tourna son visage vers Chasseresse, et eut un air extrêmement sérieux, sans doute du à sa fatigue. Il lui lança alors : "N'est-ce pas ?" attendant confirmation de Chasseresse. Il n'était pas particulièrement désagréable, mais n'avait pas non plus l'air d'être prêt à rire.

"Voilà la parole d'un sage!" dit-elle avant de s'asseoir à Fendril. Elle le regarda avec beaucoup de respect et évita le visage d'Extasy, qui aurait pu la mettre en colère.

Extasy serra le poing de colère. De quel droit Fendril intervenait-il en sa défaveur ? Elle enfonça ses ongles dans sa chair lorsqu'il répondit à Chasseresse. "Grande sagesse" ? N'importe quoi ! Elle ne pouvait en entendre davantage. Elle jeta un regard à Chasseresse, prévoyant sa mort future, en raccrochant son manche à sa taille. Elle ajouta seulement un "Minable", grincé entre ses dents, afin de qualifier la méprisante femme Louve-Blanche. Elle jeta un regard vers Fendril et lui lâcha un "Secte" agressif. Secte, parce qu'elle considérait que son intervention injuste était liée au fait que cette femelle canidé appartenait à un dérivé de sa race.
Elle recula et s'empara de l'arme à feu qu'elle avait récupéré, puis partit s'installer à l'autre bout du comptoir, le plus au fond de la salle possible, seule, encore plus vexée qu'avant, faisant une crise de victime incomprise de tous.

Alors qu'Extasy regardait la paume de sa main, qui avait quatre faibles entailles, Fendril la rejoignit. Elle ne l'entendit pas arriver et ne se douta même pas qu'il était derrière elle, jusqu'à ce qu'il parle, car lui seul avait cette voix si particulière qu'elle reconnut sans peine.
Elle resta silencieuse à regarder sa main plusieurs secondes, avant de se retourner pour être face à Wolf Walk. Sa tête était inclinée vers le sol. Elle ne voulait pas affronter le regard de son Mentor; car même si elle avait remarqué un morceau de tissu proche de son visage, l'idée qu'il masque ses yeux lui était inenvisageable, et elle n'était pas certaine de son existence. Comme elle était assise et lui debout, elle aurait facile, même par cette légère contre-plongée, à voir ses yeux. [En fait, ça dépend de la taille de Fendril, du comptoir et du tabouret.] Par ailleurs, elle ne voulait pas que les siens soient vus ainsi, car elle se sentait vulnérable.
Elle détourna légèrement le visage vers sa gauche, soit la droite de Fendril.

Merci...

Elle était enfin calmée, ou du moins en bonne voie pour l'être. Son agressivité se dissipait progressivement, ses envies de revanche également. Elle ne pensait même plus aux "langues d'enfants", qui venaient d'être remplacées par un inattendu "Je m'en excuse" beaucoup plus apprécié et source de la disparition de ses violents aléas émotionnels. Elle se sentait considérée et ce sentiment atténuait son humeur électrique.
Extasy resta assise, sans saisir cette permission. Maintenant qu'elle se calmait, combattre Chasseresse pour ce motif lui revenait à agir aussi stupidement qu'elle l'avait fait oralement. Et elle ne souhaitait pas descendre à un niveau qu'elle abhorrait.

Extasy garda la tête baissée, regardant les vêtements de Fendril. Se présenter... Que pouvait-elle dire ? Elle n'avait aucun statut à associer à son identité et prenait de plus en plus conscience qu'elle n'avait pas de but. A proprement parlé, elle n'était pas voleuse. Elle s'appropriait parfois quelques objets précieux pour son compte et depuis peu mais cette activité n'était pas un but en soi. C'était un passe-temps qu'elle s'était octroyé afin d'agrémenter son ennuyante vie. D'une manière ou d'une autre, elle devait le faire comprendre à Fendril. Il prenait l'initiative d'un nouveau départ, elle se devait de répondre sincèrement, même si sa fierté allait sérieusement en souffrir.

Extasy Osmoz, adolescente en fugue.

Après avoir répondu, Extasy sentit quelque chose se nouer à l'intérieur de son corps. Elle vivait mal le fait de verbaliser ce qu'elle se refusait à admettre: son errance.

Chasseresse se sentait très mal à l'aise: elle était perdue dans un monde d'Humains sans sa meute et ses proches et apparement les "sangs de loup" n'étaient pas persécutés. Elle repensa à Liver, qui, après tout, était Humain et l'avait aidée.

"Peut-être que les choses sont différentes dans ce monde..." murmura-telle.

Elle savait ce que c'était de se faire insulter pour son espèce ou sa race et maintenant qu'elle s'était rendu compte de ce pourquoi Extasy l'avait abordée. Elle aurait agit exactement comme elle à sa place.

"Dans le doute..."

Elle se leva, s'approcha lentement de Fendril et regarda Extasy:

"Je... Je suis désolée." dit-elle, non sans beaucoup d'efforts et de peine. Ses poings serrés tremblaient, laissant montrer son combat intérieur. Elle haïssait les Humains... TOUS les Humains. Mais elle voulait croire qu'ici, ce n'était pas comme dans son monde...

Ayant présenté ses excuses, honteuse, la question de Sores lui fit relever la tête. Elle se retourna vers lui, mais ne bougea pas.

"J'ai besoin d'une meute pour me guider et ne pas rester seule, bien sûr! Comme je vous l'ai dit, je ne voyage que très rarement en solitaire... De plus, je ne connais absolument pas ce monde et donc je n'est aucun lien. Pourriez-vous m'aider?"

Sur ces mots, elle se remit à sourire gentillement. Puis elle s'arrêta et regarda Extasy avec anxiété.

A l'écoute du "Je suis désolée" prononcé par Chasseresse, Extasy resta tête baissée, tentant de se contenir. En d'autres circonstances, elle aurait sans hésiter gratifié la Louve-Blanche d'un "Tu peux l'être" peu agréable. Mais la situation était autre. Certes, elle en voulait à Chasseresse. Non pas pour avoir méprisé son espèce par une formulation certainement devenue coutumière, mais pour lui avoir offert cet insoutenable face à face avec Fendril où elle se sentait percée à jour, sans pouvoir user d'artifices protecteurs. Seulement, elle ne pouvait qu'accepter ses excuses. Chasseresse faisait l'effort de les présenter, c'était initialement ce qu'Extasy demandait et Wolf Walk était témoin. Elle n'avait pas vraiment le choix. Pour une fois, Extasy ravala sa fierté (enfin ce qu'il en restait) et fit abstraction de son ressentiment. Elle leva la tête pour croiser le regard de celui de Chasseresse et remarqua à quel point s'excuser ne lui était pas facile. Si Extasy ne s'était pas sentie aussi vulnérable, elle se serait ouvertement amusée de la situation en arborant un sourire des plus provocateurs. Mais Extasy ne souriait pas car, comme Chasseresse, elle n'était pas à son aise. Pire, elle était dépassée, ne sachant comment réagir. Par chance, elle profita du temps que Chasseresse mit à répondre à Sores pour trouver ses mots.
Elle fixait la femme Louve-Blanche, sans chercher à pénétrer son regard, et finit par répondre doucement mais toutefois en étant tendue.

Je suppose que vous aviez vos raisons... Cela dit, j'apprécie vos excuses et je les accepte.

Extasy détourna rapidement le regard de Chasseresse, sans pour autant lui signifier qu'elle pouvait se retirer. Elle regardait à nouveau les vêtements de Fendril, perturbée. Pourquoi se sentait-elle aussi gênée ? Après tout, Fendril lui avait créé des ennuis devant Lindle et Chasseresse l'avait insultée. Elle pensait ne pas devoir ressentir de gêne et pourtant, elle ne se sentait pas bien. Les évènements de sa journée, refoulés jusqu'alors par la fortification de son esprit, commençaient à l'atteindre.

Sores qui souhaitait eviter la rencontre des deux femme par sa question echoua mais il n'y eut pas d'étincelle il repondit alors à Chasseresse d'un simple:

"Ce se pourrait"

Chasseresse était soulagée, toute cette histoire ne lui était pas retombée dessus. Elle inclina légérement la tête pour montrer à Extasy qu'elle souhaitait oublier toute cette histoire et la remercier de sa compréhension. Elle se retourna de nouveau vers Sores:

"Veuillez m'excuser, je suis à vous tout de suite."

Elle prit une grande inspiration pour se détendre et relacha ses poings. Puis elle se présenta à Extasy et Fendri:

"Je m'appelle Chasseresse, chef Louve-Blanche." Elle n'avait jamais auant prononcé cette phrase qu'en cette seule journée.

Chasseresse se présenta. Elle aussi avait une fonction bien particulière, et donc une motivation et des objectifs. Extasy garda la tête baissée, serrant son bras gauche de sa main droite. Un stress de plus en plus intense la submergeait. Elle ne pouvait plus rester ici, quitte à froisser à nouveau Chasseresse. Elle se retourna vivement et reprit l'arme à feu, avant de quitter son siège. Elle glissa un "A demain" à Fendril et s'abstint de toute réponse pour Chasseresse. Elle les quitta dans la précipitation sans les regarder et emprunta l'escalier pour se réfugier dans sa chambre.

Chasseresse ne s'attendait pas à un départ si prompt d'Extasy et la regarda s'en aller, l'oeil écarquillé. Puis elle interrogea du regard Fendril et décida de se rasseoir à sa place, afin de poursuivre sa conversation avec Sores.

"Veuillez m'excuser, vous disiez?"

Maintenant que l'adolescente humaine était partie, Chasseresse était complétement détendue et soupira de contentement, mêlé de fatigue. Ses cernes s'agrandissaient de minute en minute...